Quatre jeunes Romandes ont participé à un concours international sur l’internet destiné aux femmes en surpoids. L’une d’elles, Yasmina, est ainsi devenue Miss Plump Univers. Aimer son corps, aimer ses courbes, voici la tendance de ce printemps.
Elles sont venues poser pour un shooting glamour. Tout intimidées pour cette première fois sous les lampes et les flashs d’un photographe. Surexcitées aussi à l’idée de cette nouvelle aventure. Elles sont quatre. Joues charnues et bras rebondis, des courbes et des volumes, beaucoup de pleins pour peu de creux. Elles sont rondes, grosses, même. Mais elles s’assument, s’acceptent comme elles sont, ont appris à s’aimer. A tel point qu’il y a quelques mois elles se sont inscrites à un concours de beauté sur l’internet, réservé aux madones en surpoids. Les conditions pour participer? Avoir un minimum de chair autour de l’os, un corps enveloppé, des plis adipeux. Et, surtout, être bien dans ses formes ou en voie de le devenir et renoncer à faire un régime amincissant dans le futur. Voici les critères établis par José Breton, un Québécois amoureux des bien en chair, qui a initié ce concours en 1997.
LE RETOUR DES RONDES
Cette année, le Miss Plump Univers a ainsi rassemblé 21 pays, 150 candidates, dont neuf Suissesses, et un jury tout aussi international. La grande gagnante s’appelle Yasmina Morina, habitante de La Roche, dans le canton de Fribourg, une jolie brune de 33 ans, 89 kilos pour 1 m 59.
«Je surfais sur des boutiques de vêtements de grande taille en ligne quand je suis tombée complètement par hasard sur un lien vers ce concours. Je me suis inscrite, et voilà!» s’émerveille aujourd’hui, encore sous le choc, la toute nouvelle Miss Plump Univers. Le hasard fait bien les choses: Yasmina a coiffé sa couronne au moment même où la tendance de ce printemps est à la pulpeuse bien dans son corps. Bien sûr, les podiums sont toujours arpentés par des créatures décharnées et les pages des revues féminines regorgent toujours de régimes miracle. Au choix, celui à base de poulet, de légumes crus, de limonade; celui où l’on ne consomme que de l’ananas, que des purées pour bébés, que des aliments verts ou bien des rouges et des violets; des dissociés, des macrobiotiques, des ultraprotéinés. Désormais, pourtant, toutes ces méthodes drastiques, destinées à faire fondre les plantureuses, s’accompagnent souvent, à quelques pages de décalage, d’articles sur celles qui ont renoncé à transformer leur corps pour mieux le sublimer. Le magazine Elle a ainsi publié un dossier spécial rondes, Marie-Claire a suivi et Femina leur a emboîté le pas avec un numéro de fin avril spécialement dédié à la mode pour femmes en formes. On y voyait d’ailleurs la Suissesse de Paris qui cartonne, Stéphanie Zwicky, auteur du blog Big Beauty et d’une ligne de vêtements dessinée spécialement pour la collection Taillissime de La Redoute.
MOQUERIES ET INSULTES
Alors L’illustré a aussi eu envie de rendre hommage à ces femmes qui se sentent belles en rondes, et qui le sont. Jade, Céline, Séverine et Yasmina, 120, 102, 115 et 89 kilos sont ainsi venues jouer les top-modèles le temps d’une photo. Se voir sur papier glacé, figurer parmi les participantes, voire les gagnantes d’un concours de miss, elles l’ont perçu comme une reconnaissance, enfin, de leur droit d’exister.
«Les rondes méritent autant le respect que les minces»
Yasmina Morina
«Les gens sont méchants, cruels souvent, témoigne Séverine, 19 ans. J’ai toujours été ronde et, pendant toute mon adolescence, je n’ai connu que des moqueries.» Pour surmonter ses souffrances, Séverine a dû mûrir et, surtout, trouver l’amour. Elle est aujourd’hui fiancée à Loïc et tout va très bien pour elle, merci. «Quand j’en ai eu marre de me priver de faire les boutiques, j’ai osé entrer dans des enseignes où je savais que rien ne m’irait. C’est la mode qui m’a sauvée. Le plaisir de noter les tendances, de regarder le vêtement pour le tissus, la forme, le style, ça m’a permis de me distancier du regard des autres. Maintenant, ils ne m’atteignent plus.» Pour Céline, 24 ans, coiffeuse à Neuchâtel, le parcours est un peu différent. «Plus jeune, je n’étais pas spécialement grosse, mais j’ai pas mal fait le yoyo. A 19 ans, j’ai pris près de 20 kilos à la suite d’une dépression. Je les ai ensuite perdus lors d’un séjour aux Etats-Unis, puis repris direct à mon retour. Chez moi, les kilos sont étroitement liés à l’émotionnel. Loin des soucis, je mincis! Au début, avec tout ce poids en plus, oui, c’est dur de s’aimer. Le regard de ma mère me blessait. Elle me disait: «C’est dommage quand même», et ça m’enfonçait encore plus. Il a fallu que je prenne conscience que je suis seule à vivre dans mon corps et que je n’ai qu’une vie. Je la vis donc comme je l’entends. Et je crois que ma mère est fière que je me sois inscrite à ce concours.»
«Professionnellement, les gros sont souvent dévalorisés. Comme si l’on ternissait l’image de l’entreprise»
Séverine Meier
Au-delà du classement, cette compétition médiatisée a surtout permis à ces quatre jeunes femmes de confirmer qu’elles pouvaient plaire et peut-être même influencer l’opinion de la société sur celles qui ne rentrent pas dans un 38. «C’est incroyable le nombre de messages d’encouragement que j’ai pu recevoir, confirme Jade, 20 ans, en écarquillant ses magnifiques yeux verts. Très lucide sur le réel sérieux de cette compétition, la Gruyérienne y voit surtout un symbole du droit de chacune à s’apprécier. «Il y a trop de catégories et de différence de poids entre les candidates pour qu’on puisse parler d’un vrai concours de beauté, mais c’est un moyen de s’affirmer. Et dans les mails qui m’ont été envoyés, ce qui ressort, c’est que certains peuvent me trouver belle. D’autres m’ont dit que cela leur avait donné envie d’oser sortir de chez elles. Se cloîtrer chez soi parce qu’on se sent trop moche et vulnérable, je sais ce que c’est.»
Yasmina, à côté d’elle, lisse ses cheveux et l’écoute avec attention. Depuis une semaine, la toute nouvelle Miss Plump Univers a reçu un nombre de sollicitations impressionnant, des téléphones de médias à ceux d’entreprises désireuses de profiter de ce nouveau buzz. Triomphe suprême, Yasmina a signé son premier autographe et rencontré un fan à la gare de Lausanne, un chauffeur de taxi qui lui a offert sa course jusqu’au studio. Une grande première pour une jeune femme plus habituée aux insultes et aux regards de mépris. «Adolescente, les autres enfants me suivaient sur le chemin de l’école et m’arrachaient mes habits. Je devais rentrer nue en pleurant jusqu’à la maison», se souvient-elle.
Il y a trois ans, juste après la naissance de son deuxième enfant, Yasmina a commencé à perdre du poids. Des kilos par dizaines, jusqu’à ne peser plus qu’une cinquantaine de kilos. «J’étais superfatiguée mais très contente, souffle-t-elle. Ce n’est que plus tard qu’on m’a diagnostiqué un cancer de Hodgkin. Alors, après les chimios, les rayons et toutes ces souffrances, quand j’ai repris du poids, ça a été comme une victoire. Psychologiquement, je me suis dit: «Voilà, je vais vivre!»
Elles sont quatre aujourd’hui, bien vivantes. Elles ont toutes traversé des épreuves et un long parcours pour apprendre à se regarder autrement qu’avec rage, tristesse et dégoût. Quand elles parlent, elles disent «les minces et nous». Comme un clivage incroyable au sein d’une même espèce. Conscientes que le surpoids est aussi un problème de santé, elles ne se veulent pas un encouragement à l’obésité mais juste le manifeste que chacun doit apprendre à s’aimer. Et, à les voir, ça donne envie d’essayer.
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LEURS BONS PLANS MODE
Jade, Séverine, Céline et Yasmina aiment…
… FAIRE LEUR SHOPPING CHEZ
* la collection B.B, Big is Beautiful de H&M
* la Halle aux vêtements, 65 magasins en Suisse
* C&A
* la boutique LMHT, rue de Gruyères 7, à Bulle, renseignements sur
www.lmht.ch * le magasin X-Elle, passage Marval 1, à Neuchâtel, et aussi sur le net: boutique-x-elle.ch
* les sous-vêtements grande taille mais sexy de Nina Dessous: deux boutiques, à Bâle et Laufon
* la collection Taillissime de La Redoute et leurs maillots de bain
* la boutique grande taille sur le site des trois Suisses,
www.3suisses.fr * le site
www.bonprixsecure.com * le site internet
www.vivelesrondes.com Conseils, adresses de magasins, forum et même vide-dressing de vêtements de seconde main grande taille
* enfin, pour l’inspiration, le blog
www.leblogdebigbeauty.com de la Suissesse Stéphanie Zwicky, qui a aussi dessiné une collection XXL pour La Redoute
… PRENDRE POUR EXEMPLE
* Marianne James et son élégance
* Velvet d’Amour, mannequin plantureux et glamour
* Valérie Damidot, chic et rigolote
* Tara Lynn, une top-modèle américaine top pulpeuse
Par Marie Mathyer - Mis en ligne le 19.05.2010 @L'illustré