Je suis grosse et alors ?Editions Ramsay, 1994
Quatrième de couverture :Anne Zamberlan "pète" la forme et les formes. A 44 ans, elle pèse 130 kg et a réussi sa vie et sa carrière. Et pourtant elle a subi trente ans de quolibets et d'injures, a voulu en mourir et a finalement choisi la vie. Aujourd'hui, elle pousse un cri de colère, mais aussi un appel au secours pour tous ses frères et soeurs de misère
Des millions de personnes se sentent rejetées depuis que le muscle a été érigé en valeur suprême, depuis qu'être gros est une tare. Les gros sont exclus du travail leur vie quotidienne est semée d'embûches, ils n'obtiennent qu'avec difficulté tout ce qui est dû à chaque citoyen.
Un coup de gueule nécessaire pour nous pousser au respect et à la tolérance vis à vis de chaque être humain, quel que soit son aspect physique.
Anne Zamberlan a été découverte grâce aux publicités du Virgin Mégastore. Elle est comédienne, fait de la publicité et des clips, chante et danse. Elle vient de créer une collection de vêtements pour les femmes fortes.
Première page du livre en noir :A mon fils, Eddy,
à mes parents,
à Aline
qui me secondent, me soutiennent
et me protègent.
- T'as vu la grosse?
- T'as vu le boudin?
- Oh! là! là! le monstre!
- C'est sûr, faut être à quatre pour la satisfaire!
- Tu parles, le lit va s'effondrer!
- Hippopotame!
- Berk! C'est vraiment répugnant, ces bourrelets!
J'en passe et des meilleures.
Ah! ces mots qui déchirent l'âme, ce venin mortel, ces regards assassins qui vous poursuivent et vous hantent.
Les très très maigres sont à l'abri. On les insulte rarement, on les plaint plutôt. Les pauvres! A coup sûr, ils sont malades. Mais les très gros, les trop gros, on ne les rate jamais. On ne se retient pas, on y va sans vergogne. Comme si les rondeurs et la graisse amortissaient les coups. Comme si les gros ne sentaient rien, étaient incapables d'émotions.
Si on savait... Si on savait combien ils souffrent! Quand ils pointent le nez dehors, ils souffrent jusqu'à la démesure. Pour eux, la rue est un enfer. L'attaque arrive à coup sûr. Insupportable, inhumaine. Ils la reçoivent en pleine figure. Ils n'ont droit qu'à des regards moqueurs, des quolibets, des sarcasmes, du rejet. Anéantis, humiliés, ils se sentent coupables de tout, d'être nés, d'exister. Aussi leur coeur se glace. Les gros rasent les murs. Ils n'osent plus aller où bon leur semble.
Pour ne plus être vus, pour ne voir personne, beaucoup se cachent, s'enferment chez eux dans une bulle de douleur. Ils ont la liberté mais s'en privent, alors qu'ils ne sont coupables de rien. C'est encore plus terrible que d'être en prison. Un prisonnier reste entre quatre murs, mais lui, il a commis un acte répréhensible. Les gros, eux, n'ont rien fait de mal.